Dans de très nombreuses entreprises, l’entretien de fin d’année est perçu comme une évaluation de la performance, du comportement, des capacités et du potentiel des collaborateurs. C’est bien sûr aussi l’objectif. Comment gérer les carrières individuelles sans apporter une appréciation qui sera le fondement des décisions futures en matière d’évolutions professionnelles ? Cependant, posons ici une réserve fondamentale : qui dit évaluation, pense souvent jugement et donc accusé et juge qui lui-même est amené à prononcer une sentence donnant lieu à une sanction. Bien entendu, la sanction peut être positive. Mais reconnaissons que notre esprit critique naturel aurait plutôt tendance à nous faire voir les aspects négatifs. En focalisant ainsi sur ce qui ne va pas, le manager va sans doute souligner exagérément les difficultés, les échecs et points faibles du collaborateur évalué. Celui-ci, se sentant agressé pourrait soit ressentir de la tristesse et de la frustration, soit de la colère et de l’injustice. Dans tous les cas, le dialogue sera difficile, risque de dégénérer en discutailles stériles ou se couper purement et simplement. Les conséquences sur la motivation peuvent être désastreuses.

Comment éviter de tomber dans ce piège ? Ici, encore plus qu’ailleurs, l’attitude du manager-coach sera la plus efficace. Faisons parler notre collaborateur. Qui, mieux que lui, sait quelles sont ses réussites et comment il a fait pour y parvenir ? Qui, mieux que lui, a conscience de ses points d’améliorations ? Qui, mieux que lui, peut le motiver à y travailler ?

Bien entendu, pour que le collaborateur puisse se livrer ouvertement et faire avec son manager un bilan objectif de son activité, il doit exister un vrai climat de confiance entre les deux individus. D’où l’importance de tout le travail que nous avons réalisé toute l’année pour construire une relation de grande qualité avec chacun des membres de l’équipe. C’est le moment ou jamais de montrer que nous ne sommes pas un simple chef, mais un leader, qui est là pour faire progresser ses équipes. C’est toute la différence entre le manager qui est en pouvoir sur et celui qui est en pouvoir pour…

Voyons maintenant comment concrètement mener cet entretien :

Que faire de l’outil d’évaluation imposé par l’entreprise ? Beaucoup d’entreprises ont mis en place des formulaires dont l’objectif, tout à fait louable, est de formaliser l’entretien annuel. Ceci est bien entendu important dans une logique de gestion cohérente des carrières. Malheureusement, ces documents ressemblent trop souvent à un bulletin de note à caractère scolaire. Si l’on se contente de remplir le document pendant l’entretien, ou pire avant celui-ci, et que le formulaire sert de fil conducteur, notre collaborateur de trouvera en position basse, jugé par son manager. Ce dernier en profite pour affirmer son pouvoir et montre sa capacité à juger de l’avenir potentiel de son collaborateur. Pourtant l’entretien dit d’évaluation est une opportunité unique d’échange. Dans cet exercice, le manager se doit de faire preuve d’une grande bienveillance. L’objectif qu’il doit garder en tête est de contribuer à la croissance et l’évolution de son collaborateur. S’il se contente de le juger, il risque plutôt de focaliser sur les points faibles et les difficultés plutôt que sur les axes de développement. Or l’utilisation d’un document sur lequel nous devons, par exemple, donner une note entre 1 et 5 pour chaque domaine de compétence qu’il soit technique ou comportemental, nous poussera malgré nous à nous conduire en professeur de collège à l’heure du conseil de classe.

Notre suggestion est donc de mettre le fameux formulaire de côté. Menons notre entretien comme un échange entre deux adultes dont le but est de progresser ensemble dans un contexte professionnel dans lequel nos succès respectifs sont interdépendants.

L’idéal est de clarifier le contexte de l’entretien en amont et de demander à nos collaborateurs de bien se préparer. Voici le message que vous pouvez leur envoyer :

En vue de l’entretien annuel qui nous permettra de faire un bilan de l’année N et de nous projeter vers l’année N+1, je vous remercie de préparer par écrit les points suivants et de venir muni de ce document à l’entretien (si cela n’est pas fait, l’entretien sera reporté) :

  1. Quelles sont vos principales réussites de l’année écoulée ? De quoi êtes-vous particulièrement fiers ? Quels sont les domaines dans lesquels vous avez progressé ? (NB. Merci de donner au moins 3 exemples concrets et de les illustrer avec des chiffres ou des feedbacks précis reçus par des collègues, clients,…)
  2. Pourquoi ces réussites ? Qu’avez-vous mis en œuvre ? Sur quels points forts vous êtes-vous appuyé ? Quels sont les qualités que vous avez révélées ou développées à cette occasion ?
  3. Quels ont été vos principaux échecs, difficultés, points à améliorer ? (NB. Cela peut concerner tous les domaines : compétences métier, organisation du travail, fonctionnement en équipe ou avec les autres services, comportement, communication interpersonnelle, implication, motivation,…etc.). Merci d’être, là-aussi, très concret en illustrant par des exemples précis.
  4. Afin de nous mettre dans une dynamique de progrès, quelles actions, selon-vous, faudra-il mettre en œuvre pour travailler en année N+1 sur ces points d’amélioration ? Quels objectifs concrets pourrons-nous nous fixer ? De quelle aide aurez-vous besoin ?
  5. Si vous deviez décrire le job que vous souhaiteriez occuper dans 2 ou 3 ans, le quel serait-il ? Vous pouvez vous projeter au sein de l’entreprise ou en dehors.

Nous pouvons demander cette préparation par un email qui sera accompagné d’une explication orale.

En début d’entretien, pensons à rappeler le contexte et l’objectif de cet entretien. Il est utile également de mentionner quelques règles du jeu :

  • C’est un entretien de progrès, pas un jugement du collaborateur par son manager.
  • Nous pouvons tout nous dire, à condition de rester respectueux et bienveillant.
  • Le collaborateur sera amené à parler en premier et parlera au moins autant que son manager.
  • C’est aussi l’occasion pour le collaborateur de donner son feedback sur l’entreprise, ses dirigeants et plus particulièrement son manager.
  • On peut fixer une durée de l’entretien, dès le début. Cependant, il est difficile de le prévoir de façon certaine. En fonction de ce que le collaborateur aura à nous dire et du retour qu’il en attend, ainsi que de la complexité des sujets abordés, l’entretien peut se prolonger et dépasser l’horaire initialement prévu. Gardons donc une certaine marge de manœuvre et de flexibilité dans notre agenda. C’est sans doute une des rares exceptions où nous dépasserons volontiers l’horaire prévu pour une réunion.

Suite à la demande de préparation, il est fréquent que nos collaborateurs préparent l’entretien dans les moindres détails par écrit. Dans ce cas, il suffit de le laisser dérouler. La plupart des gens sont lucides sur leurs performances professionnelles, aussi bien les bonnes que les mauvaises. La qualité du questionnement est bien entendu importante.

Pensons à bien suivre la logique telle que déroulée dans le questionnaire préparatoire. Commençons par les éléments positifs, les succès. Soulignons les points forts. Posons les bonnes questions afin de permettre à notre collaborateur de mettre en évidence ses stratégies de réussite.

Le point étonnant ici est, souvent, qu’un collaborateur efficace n’a pas conscience de la façon dont il s’y prend pour accomplir une tâche qu’il a l’habitude de réussir. Hors, la mise en lumière de ces fameuses stratégies de réussite est essentielle. Elles permettent de renforcer la confiance et l’estime de soi et sont surtout un réservoir extraordinaire de ressources pour les moments plus difficiles. En effet, il est possible de transposer un processus qui fonctionne à d’autres contextes plus délicats. Pour cela il est essentiel de pousser notre collaborateur à nous dire en détail comment il a fait pour obtenir des résultats positifs, voir exceptionnels.

Dans cette phase, où c’est essentiellement le collaborateur qui s’exprime, l’attitude d’écoute active du manager est primordiale. Il est opportun de reformuler en réutilisant les mots exacts utilisés par lui. Il ne faut surtout pas interpréter ou déformer les propos. Soyons précis, si certains propos ne nous paraissent pas assez clairs ou spécifiques, posons des questions et demandons d’illustrer les propos par des exemples. L’expression de nos collaborateurs sera d’autant plus sincère que nous aurons avec lui une réelle relation de confiance. D’où l’importance – répétons-le une fois de plus de tout le travail que nous avons fait en amont pour construire ce type de rapport. Dans une telle situation, il suffit au manager de confirmer les points évoqués par le collaborateur en veillant à bien traiter équitablement les points positifs et ceux qui le sont moins.

L’expérience nous a montré que même quand ils parlent d’eux un très grand nombre de collaborateurs ont tendance à focaliser sur le négatif ou à y venir très vite. Notre rôle est de les guider pendant l’entretien afin de respecter la structure décrite plus haut dans le message de préparation.

Que faire lorsqu’un collaborateur ne mentionne pas un succès ? C’est assez facile : il suffit d’en parler avec précision, en donnant des exemples concrets. Parfois nous permettons ainsi à notre collaborateur de clarifier un point fort dont il n’avait pas conscience.

Que faire lorsqu’un collaborateur ne mentionne pas un échec ou une performance insuffisante ? Le rôle du manager est bien entendu de le mentionner. Le but de cet entretien est également de donner un feedback sincère et complet.

Premier principe : soyons objectif en nous basant sur des faits observables et en rapport avec un contexte précis. Cela évite en général les discutailles qui porteraient sur la réalité des faits. Il faut également penser à respecter la personne en faisant preuve de bienveillance et de respect. Pas d’attaques personnelles, ni de généralisation tu type : « tu es lent, brouillon, ou tu ne réfléchis pas assez… ».

Notre rôle est d’adresser un comportement à améliorer, pas de remettre en cause un individu en tant que personne. Nous veillerons donc à être constructif, orienté vers le futur par la suggestion de solutions concrètes qui permettront d’envisager un résultat tangible dans un délai raisonnable.

Bien entendu, les pistes d’amélioration qu’elles soient évoquées par le collaborateur ou le manager feront l’objet d’un plan d’action concret avec des objectifs mesurables et, le cas échéant, les étapes nécessaires à leur atteinte.

Tout au long de cet entretien, le manager veillera à prendre des notes. Ces notes lui serviront ensuite à remplir le formulaire imposé par l’entreprise. Avant de le remettre pour archivage à la direction des ressources humaines, nous le ferons bien entendu valider par notre collaborateur. Ceci ne devrait être qu’une formalité puisque le fameux document est le reflet fidèle de l’échange que nous avons eu ensemble.

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